Shin, Gi et Tai correspondent à trois éléments unis dans la pratique mais distincts dans la conceptualisation. Leur ordre de présentation ne présume en rien de leur priorité ou importance : les isoler permet avant tout l’analyse de leurs interdépendances.
Shin
Le caractère Shin, qui peut également se lire kokoro, est une représentation stylisée du cœur (l’organe) dont il a également le sens. Mais l’image véhiculée est celle du centre d’un système qui irrigue jusqu’au plus petit des vaisseaux sanguins, jusqu’à la moindre cellule puis qui recueille, retraite en retour pour à nouveau alimenter de « sang neuf » le système tout entier.
De façon générale, il s’agit donc de ce qui se trouve au centre. Au centre de l’émotion, du mouvement, de la motivation, de l’intention et c’est pourquoi il possède également ces différents sens ainsi que celui de force spirituelle. Shin représente donc la dimension spirituelle. Gi
Le caractère Gi signifie « main capable d’un travail aussi minutieux qu’une petite branche ». Il s’agit de la technique, mais il faut la différencier du jutsu de jû-jutsu, par exemple. Dans le second cas, il s’agit de techniques codifiées et traditionnelles transmises de maître à disciple sans ajout ni modification. Gi, lui, n’est ni la méthode, ni la « recette », mais la maîtrise de cette technique, par le travail, par la pratique. Il s’agit de l’habileté technique intériorisée. Ce même caractère peut également se lire « waza », que l’on retrouve notamment dans tokui-waza, le « spécial », ou plus exactement « la technique dont on a la connaissance la plus intime ».
Tai
Le caractère Tai (avant qu’il ne soit simplifié fin 1946) signifie « les os correctement organisés ». Tai est le corps (Tai-otoshi), la dimension physique, le moteur du mouvement. Il est le moyen par lequel s’exprime le shin au travers de gi. Sa capacité de réponse à l’intention et d’adaptation à la situation dépendant du niveau de pratique. La répétition précise des mouvements, aussi bien des techniques que des habiletés techniques fondamentales sur de longues années permet d’entretenir et cultiver ce que l’on appelle « la mémoire du corps » ou karada no oboe (karada étant une autre lecture possible du caractère Tai).
Yves Cadot, Judo Magazine 184, mars. 2000.